mardi 3 janvier 2012

Quand Orange avoue pratiquer l'entente illicite sur les prix

En matière de téléphonie mobile, on a à peu près tout connu en France avec trois géants qui utilisent souvent des manières peu conventionnelles pour maintenir captifs leurs clients et pour imposer un statut quo en matière de prix. En 2005, les trois opérateurs historiques étaient condamnés pour entente illicite sur les prix et condamnés à une amende de 534 millions d'Euros. Une amende record? Pas vraiment, loin de là même. Avec des réseaux largement amortis, la délocalisation des services clients ou l'utilisation d'internet dans le circuit de vente, ils ont pu confortablement continuer à marger massivement sur le dos des consommateurs.

Lors de "l'affaire" de l'augmentation de la TVA l'année dernière, ils nous ont tous expliqué la bouche en coeur que celle-ni ne pourrait être absorbée, qu'ils étaient au taquet et qu'ils devraient la répercuter sur les contrats des clients. Pouvons-nous soupçonner une entente entre eux pour maintenir leurs confortables marges? Sans doute, et pourtant, Bouygues leur a porté un coup de trafalgar en annonçant finalement qu'il prendrait à sa charge l'augmentation de TVA. Il y a eu une ruée massive des clients vers cet opérateur, et SFR a été obligé de rétropédaler dans un chaos assez risible. La marque au carré rouge a en en effet sorti une communication disant qu'ils absorbaient la hausse pour le bien-être de leurs clients alors qu'ils avaient envoyé un courrier leur présentant cette hausse (les libérant de facto de leur engagement) quelques semaines avant...

Orange n'était pas en reste et la communication à propos de cette hausse fut pour le moins "amusante". Cet épisode est sans doute anecdotique dans la longue histoire qui lie nos trois opérateurs historiques et il est pourtant assez symptomatique d'un climat général. Alors qu'ils juraient être au taquet niveau marges, on a depuis lors vu sortir des offres telles que Sosh ou B and You, offres dites "low cost" rappelant un peu les opérateurs virtuels tels Virgin ou Universal. Alors pourquoi ce qui était impossible il y a un an devient possible aujourd'hui? On me répondra que ces forfaits se prennent en ligne et uniquement en ligne, ce qui fait baisser le coût. Soit. Mais celui qui commande son forfait "classique" en ligne ne bénéficie pourtant pas de ces tarifs, alors que lui non plus ne mobilise pas vendeurs ou points de vente à entretenir...

L'arrivée de Free sur le marché du mobile semble rendre tout à coup possible ce qui était impossible il y a quelques mois. Ce serait une incroyable et amusante coïncidence si le PDG d'Orange, Stéphane Richard, n'était pas si loquace en balançant lors d'un entretien au Figaro.fr une phrase qui m'a laissé sans voix:

Allez-vous baisser vos prix? 

Nous avons tout un arsenal de ripostes commerciales prêtes pour répondre très rapidement aux offres de Free. Bien sûr, c'est une évidence, nous pourrons jouer sur les prix en fonction de ce que Free fera. Mais tout ne se résume pas à un prix! La mamie du Cantal n'a pas besoin de la même offre qu'un geek à Paris. Free ne va pas rafler tous les clients avec une offre unique. Nous, nous essayons de proposer la meilleure offre pour chaque catégorie d'utilisateur. Nos atouts? Nous avons simplement le meilleur réseau.

La désinvolture avec laquelle il nous jette à la figure qu'ils peut encore jouer sur les prix m'a sidéré. Grosso modo il nous explique qu'ils attend juste la concurrence pour cesser de se gaver, qu'en attendant on peut continuer à payer 50€ par mois ce qui en vaut 20. Il n'y a rien de choquant à cela dans une économie de marché, soyons clairs. Ce qui est gênant, c'est cette phrase dans le contexte général, avec leur passif et leurs grandes déclarations sur leurs marges de manoeuvre. Si Monsieur Richard a le mérite de la sincérité (ou alors a-t-il parlé sans réfléchir?), on ne doute pas que les deux autres opérateurs soient dans le même état d'esprit puisque leurs tarifs tournent tous dans les mêmes gammes de prix. Dès lors que les opérateurs avouent maintenir des prix artificiellement hauts faute de concurrence, ils reconnaissent une entente illicite sur les prix.

Et ici est le véritable scandale. Rien n'a changé depuis 2005. Ou plutôt si: ils ont tellement confiance en eux qu'ils peuvent se permettre de se répandre ainsi dans les médias, sûrs de leur impunité. Il faut dire que les sommes dont on parle donnent le tournis, et qu'une amende d'un demi-milliard d'Euros représente une quantité négligeable vite absorbable et absorbée.

Les bases sont donc posées, et nous savons à présent que tant que Free n'arrivera pas sur le marché, nous n'avons rien à attendre des opérateurs historiques. Les fêtes de fin d'année viennent de voir atterrir 420.000 forfaits dans l'escarcelle d'Orange, 420.000 captifs de plus. Alors soyons clairs: il n'est pas question de faire ici l'apologie de Free, qui sera peut-être une déception. Il est question de souhaiter qu'à l'image de l'internet fixe, une véritable concurrence s'installe enfin dans ce secteur. C'est un fait que les opérateurs historiques ont loupé le virage des nouvelles technologies et ne sont pas en phase avec les souhaits des utilisateurs. 

Quelques exemples: les opérateurs s'évertuent à proposer toujours plus d'appels voix pour le même prix en faisant donc croire à une baisse artificielle des tarifs. Et pour cause: le transit d'appel voix est du 100% bénéfice. Mais la demande est plutôt inverse: avec les offres voix illimitées sur le fixe, on en a de moins en moins besoin en mobilité. Car en mobilité on veut du Data. Avec le Data on peut faire de la voix (VoIP), on surfe sur internet, on relève ses mails, etc. Et quand on se penche sur le Data, le constat est catastrophique: prix qui gonflent, débits limités, restrictions modem et VoIP, fair use,...

Il reste donc à espérer que l'agitateur Free bouscule enfin ces très mauvaises habitudes, et sous serons là pour juger sur pièces. Parce que Mr Richard n'est pas à une phrase de mauvaise foi près, je relèverai un autre extrait de l'entretien:

Nous, nous essayons de proposer la meilleure offre pour chaque catégorie d'utilisateur. Nos atouts? Nous avons simplement le meilleur réseau.

Si son seul atout est le réseau alors il est mal barré vu que Free utilisera son propre réseau sur environ 25% du territoire et que l'itinérance utilisera le réseau... Orange. 


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