vendredi 1 février 2013

Quelle stratégie pour Microsoft?

Alors que Microsoft sortait en début de semaine sa nouvelle version d'Office, nous avons souhaité revenir sur la stratégie du géant de l'informatique et pousser un peu plus loin la réflexion que nous nous faisions en fin d'article. Si les finances de la firme de Steve Ballmer se portent bien et que nous imaginons aisément que ce dernier est assez bien entouré pour savoir mener sa barque et par ailleurs sa stratégie, nous cherchons à savoir si certaines choses ne pourraient pas être optimisée afin de donner plus de lisibilité à l'écosystème.

Car le mot est lâché: écosystème. Cette façon de tout unifier, de donner une expérience utilisateur fluide et transparente quel que soit le produit utilisé est ce qui a fait la force d'Apple. Mais pour le meilleur ou pour le pire, Microsoft n'est pas Apple. La firme de Cupertino tient ses bénéfices de la vente de hardware alors que Microsoft gagne de l'argent en vendant du software. Certes rien de nouveau mais cette différence est fondamentale.

Pourtant, Microsoft tente depuis quelques années de surfer sur ce qui a fait le succès de la marque à la Pomme. Windows 8 et Windows Phone 8 en sont la preuve et sans doute l'aboutissement de cette philosophie. Que vous soyez sur PC, sur tablette ou sur smartphone, vous retrouvez peu ou prou la même expérience. Dans les faits, si les noyaux sont les mêmes, cette mue n'est pas tout à fait terminée. En effet, une appli achetée sur Windows 8 ne sera pas forcément utilisable sur Windows Phone 8. Pire encore, certains jeux sont "inopérants" entre les deux systèmes. Que le soft en lui-même soit incompatible nous pouvons l'entendre, mais qu'il faille souvent repasser à la caisse (pour le même jeu par exemple) est un frein conséquent pour celui qui voudra se faire une petite collection Windows.

Microsoft concentré sur le software et sur les licences, c'est toujours vrai même si la société a fait une incursion remarquée avec la Xbox ou encore la Surface dernièrement. Néanmoins, ces machines ne permettent pas encore de changer de modèle économique, la Xbox s'étant vendue à perte pendant des années et la Surface peinant à décoller. Dès lors, Microsoft s'appuie encore principalement sur la vente de Windows et d'Office. Pourtant, un certain tournant a été pris. La dernière mouture de Windows a été vendue à un prix anormalement bas, pour aider son adoption. Ici encore la stratégie est calquée sur celle d'Apple qui vend chaque mise à jour d'OSX une trentaine d'Euros. Même si le parc installé de machines sous Windows 8 est encore faible, il est en tout cas supérieur à celui équipé de Mountain Lion. Et c'est ici que la stratégie de Microsoft ne nous semble pas encore optimale.

La force et le gros problème de Microsoft est qu'il fait le grand écart entre le marché professionnel et le marché grand public. Le lancement de Windows 8 est assez flagrant et éclairant de ce point de vue. Comment faire adopter un système plus user friendly à monsieur tout le monde tout en ne pénalisant pas les responsables de déploiement de machines en entreprise? Réponse: en conservant le bureau quitte à créer un système hybride qui ne semble pas totalement abouti.

Car les principaux profits de Microsoft viennent des entreprises, plus grosses consommatrices d'Office et de Windows. Dans ces conditions, comment arriver à basculer son système économique, à réaliser son ambition d'être le premier "entertainer" grand public? Une équation difficile à résoudre. Un premier pas a été fait avec Office 365, mais il semble maladroit. En effet, qui va vouloir/pouvoir payer 100€ par an pour des logiciels qu'il n'utilisera que ponctuellement? La suite Office est géniale, là n'est pas le souci, mais il est entré dans les moeurs qu'une suite bureautique ça ne se paie pas, encore plus par abonnement.

Ici aussi, Apple est parvenu à rendre le paiement d'une suite bureautique acceptable car vendue à la découpe. Vous ne voulez que du Word (ou Pages)? Très bien. Et même en admettant que vous vouliez la totale, cela ne vous coûtera "qu'une" soixantaine d'Euros.

Alors où voulons-nous en venir? Que devrait faire Microsoft? Difficile de répondre avec un jugement à l'emporte pièce mais quelques pistes nous semblent envisageables en tout cas. Premièrement, Redmond doit persévérer dans l'entertainment. La Xbox est rentrée dans les moeurs et la prochaine itération ira certainement encore plus loin dans l'unification du home entertainment avec musique, vidéo, jeux et cross media dans un seul et même boîtier. On peut même imaginer une location ou une vente subventionnée comme cela a été le cas aux Etats-Unis.

Là ou Microsoft doit faire un choix, c'est entre le monde professionnel et le monde grand public. Attention, nous ne disons pas qu'il faut se séparer des entreprises, bien au contraire, mais il faut arrêter de vouloir faire fusionner ces deux cibles contre leur gré. D'abord car ces marchés n'ont pas les mêmes attentes ni moyens, et ensuite car cela crée de la confusion. Un particulier n'a pas besoin d'Office de manière aussi intensive qu'un employé de bureau. Une employé n'a pas besoin des applications pour bosser. Il faut séparer les produits jusque dans leur dénomination voire même conception.

Office pour un particulier c'est génial mais ça ne devrait et ne sera pas payé 100€ par an. Ça devrait être perçu comme un bonus, comme une récompense d'avoir intégré l'univers et l'écosystème Microsoft. L'offrir avec Windows RT était une bonne idée. Pourquoi ne pas l'intégrer directement dans la licence Windows? Cela donnerait du poids face à Apple qui s'est toujours enorgueilli de livrer iLife avec ses Mac. Certes Microsoft gagnera moins d'argent par licence vendue mais il récupérera en volume. Le but étant pour nous d’inonder le marché un peu à la manière de Google qui le fait avec ses services même si le modèle économique n'a rien à voir.

Si Microsoft ne peut se résoudre à "brader" ainsi sa célèbre suite, pourquoi ne pas alors l'intégrer dans un abonnement? Parce que l'autre cancer de Microsoft, ce sont les abonnements. Xbox Live, Xbox Music, Skydrive et maintenant Skype ou Office 365. L'utilisateur qui aime et qui a envie de rejoindre Microsoft devra jongler avec au minimum 4 abonnements. Assez aberrant. Redmond devrait unifier cela, quitte à avoir des râleurs qui se plaindront toujours d'avoir (et de payer donc) des services dont ils n'ont pas besoin. Un abonnement à 25-30€ qui regroupe tous ces services, ça fait tout de suite plus sens. Si toutefois cela est difficile à envisager, que Microsoft le propose au moins: plus on prend de services, moins on paie, mais surtout on le regroupe.

Une division "Home Entertainment" pleinement assumée, qui comprendrait le jeu vidéo, la musique, la téléphonie, le PC (familial et gamer) ainsi que les tablettes et de l'autre côté une division dédiée uniquement à la gestion d'entreprises, avec une déclinaison spécifique de Windows, Office et une agressivité sur les prix pour enfoncer le clou.

Microsoft est le seul à avoir les clés de son avenir, mais dans un monde numérique qui avance très très vite, il y a des trains qu'il ne faut pas rater. Le géant en a fait l'expérience une première fois en ratant le virage des smartphones. Il est à présent revenu de loin avec un Windows Phone 8 salué par la critique et avec une Xbox qui s'est fait un nom sur le marché très sélect des consoles de jeu. Il a pleinement les moyens de ses ambitions et tient le bon bout. Il nous semble qu'il faut définitivement en finir avec ce grand écart  que la boîte se traîne depuis ses débuts.

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