samedi 11 juillet 2009

[Review] Flower (PSN)

N.B: article écrit le 01/03/09

Quelquefois, entre deux frags, entre deux décapitations ou vols à la tire, ça fait du bien de se poser dix minutes pour se décharger l'esprit et se laisser aller au vagabondage de l'âme. Animal Crossing fait partie des titres qui répondent à cette demande. Pourtant, c'est sur le Playstation Network, lieu assez inattendu pour ce genre d'expérience, qu'a choisi de débarquer Flower, le nouveau projet de Jenova Chen.

That Game Company, pour la petite histoire, est un studio dépendant de SCEA Santa Monica, déjà responsable du cultissime God of War. Je le précise comme ça parce qu'à première vue la filiation n'a pas l'air évidente. Comme quoi on peut produire un gros blockbuster gore à souhait et mener de front des projets plus intimistes.

Flower est avant tout un total ovni vidéoludique, comme seuls le PSN, le XBLA ou même le WiiMare peuvent en proposer. En effet, comment financer et distribuer des projets très décalés dans ce contexte concurrentiel et économique? Peut-être est-ce là la plus grosse révolution des consoles next-gen après tout...

Expliquer Flower relève de la gageure. Basiquement, on pourrait dire que vous dirigez le vent grâce à la sixaxis et son détecteur de mouvements. A partir de là, imaginez une fleur qui se trouverait sur la trajectoire de ce vent, imaginez un de ses pétales entraîné vers une fleur suivante, et ainsi de suite. Rapidement, vous vous retrouveriez avec des dizaines, des centaines de pétales entraînés dans un ballet fou.

On peut dire que le jeu de That Game Company est à peu près ça, la magie en moins. Je dis la magie car on marche constamment sur des oeufs lorsqu'on aborde le terme de poésie, à la mode depuis les productions de Fumito Ueda.


Dieu. On ferme sa gueule et on se prosterne

J'aurais l'air ridicule à parler de sensations ou de sentiments avec un jeu pesant trois cent mégas et payé huit euros et pourtant je prends ce risque. Car au delà du concept, Jenova Chen a su insuffler ce je ne sais quoi à son titre qui font les grandes expériences vidéoludiques.

L'interface est minimaliste, l'écran d'accueil se résume à un rebord de fenêtre, une seule touche est nécessaire pour jouer, et pourtant Flower a une immense personnalité. Ce rebord de fenêtre est une métaphore, pour projeter le joueur au fond de ses sentiments les plus profonds. Au-delà de ce rebord de fenêtre se trouve une ville grisâtre, la froideur de l'environnement urbain.

Cela est censé représenter nos moments de cafard j'imagine, nos instants de mélancolie, comme lorsque assis sur le banc du Lycée nous laissions notre esprit vagabonder en perdant notre regard par la fenêtre. Tout d'un coup, on ne pense plus à rien, même dix minutes, et l'aventure de ce pétale nous semble être la porte vers une évasion pourtant impossible de prime abord.

Pas difficile, sans limite de temps, sans HUD, sans highscore, Flower est à l'opposée de tout ce qui fait le jeu vidéo. Peut-être parce que cette expérience transcende ce média? Imaginez Shadow of the Colossus, mais sans colosse, sans Wander, sans cheval, mais juste avec les vallées et le vent.

Au niveau de la sensation c'est peut-être le descriptif qui se rapproche le plus, même s'il n'est pas sans rappeler non plus, mais alors de façon lointaine, un certain Okami pour ce qui est du fait de recolorer le monde parcouru.

Car s'il fallait trouver un but pour faire rentrer Flower dans les cases toutes faites des catégories du jeu vidéo, ce serait celui-ci: vous franchissez les niveaux en allant de fleur en fleur et profitez des modifications du décor naissant de vos exploits. Les arbres reprennent des couleurs, les prés se colorent, les maisons se redressent... c'est comme si vous redonniez la vie.

D'ailleurs, et sans spoiler outre mesure, le générique de fin est sans doute le moment le plus touchant du jeu, puisque c'est la première fois de mémoire de joueur qu'un titre nous "oblige" à connaître tous les développeurs responsables du jeu. Dans cet ultime niveau, chaque fleur porte le nom d'un membre de l'équipe, et les lettres se mêlent au ballet de pétales, au fur et à mesure que l'on progresse dans ce générique pour le moins original.

PSN oblige, Flower est court, avec à peine six niveaux (sept en comptant les crédits) vite expédiés de surcroît. On se rend donc compte avec encore plus d'évidence que Flower n'est pas un jeu. C'est une tranche de vie, une tranche de nature, presque écolo. C'est une expérience à vivre entre deux autres jeux, deux autres activités, cinq minutes salvatrices de satisfaction béate. Le paroxysme du contemplatif.

Le revers de la médaille, c'est que ce soft ne parlera qu'aux plus poètes d'entre nous, les autres passant totalement à côté d'un trip, il faut bien le dire, très spécial. Néanmoins, cette production a le mérite d'exister et ça c'est déjà extraordinaire en deux mille neuf, alors que l'offre vidéoludique a tendance à s'uniformiser. De quoi prendre une bonne bouffée d'oxygène en attendant la prochaine oeuvre de la Team Ico.


Le verdict Ashrama: 9/10

Flower est un jeu indéfinissable, à quoi bon essayer de le résumer?

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