mardi 7 juillet 2009

[Review] Uncharted: Drake's Fortune (PS3)

N.B: Article écrit le 23/11/2007

Naughty Dog n'est pas franchement le type d'éditeur qui ose s'aventurer hors des sentiers battus. A l'image de SquareEnix qui sort rarement de son carcan de fabricant de RPG (et quand il le fait ça ne lui réussit pas trop en général), le studio Américain a choisi de se spécialiser dans la plateforme en signant quatre épisodes de Crash Bandicoot et quatre autres de Jak & Daxter. Une spécialisation qui lui a valu une réputation d'excellence dans son domaine, même si on peut toujours trouver à redire sur la qualité inégale de certaines suites.

Pour son passage à la Next-Gen, un passage redouté par nombre de développeurs, le Méchant Chien a choisi d'apparaître là où on ne l'attendrait pas en choisissant une voie légèrement différente. Qui pouvait s'attendre à troquer son animal déjanté contre un Indiana Jones des temps modernes dont l'arsenal n'a rien à envier à celui de sa consoeur Lara Croft?

Uncharted: Drake's Fortune assume donc la lourde tâche d'être à la fois le porte drapeau du savoir faire de Naughty Dog sur PlayStation 3, mais aussi de confirmer les qualités qui ont été les siennes par le passé, comme le gameplay soigné ou le riche univers créé autour d'une histoire.

L'Américain s'est offert à cette occasion les services scénaristiques d'Amy Henning, transfuge des Studios de Crystal Dynamics et créatrice de Legacy of Kain: Soul Reaver. Celle-ci décide de faire partir le scénario sur une base historique, à savoir le personnage de Sir Francis Drake, corsaire Britannique ayant parcouru les océans du globe dans les années mille cinq cent quatre vingt. A notre époque, l'anti-héros Nathan Drake est persuadé d'être son descendant, et c'est donc au Panama qu'on le retrouve, ayant mis la main sur le cercueil de son aïeul. En lieu et place du cadavre séché, Nathan découvre un carnet parlant d'un trésor amassé durant les campagnes du navigateur.

Malheureusement pour lui, parce qu'il y a toujours une couille qui vient niquer ce qui devrait être une chasse au trésor peinarde, des pirates arrivent au loin et canardent Nathan et sa copine journaliste Elena Fisher. C'est par ce point de départ que l'aventure pourra débuter, la transition avec la première phase de jeu étant par ailleurs brillante et servant de tutorial à ce qui constituera une grande partie du jeu: les gunfights.

A peine remis de cette initiation aux bases du gameplay, la narration reprend ses droits et nous voilà plongés pour la première fois dans la jungle. Une bonne occasion d'admirer le coeur du travail effectué par Naughty Dog sur les graphismes. Toutes proportions gardées car dans un contexte évidemment différent, on ressent une sensation proche de celle éprouvée lors de la découverte du même milieu dans Metal Gear Solid 3. Les décors possèdent un nombre de détails proprement hallucinant et l'ensemble participe à donner vie à cette jungle profonde.

Les bruits d'oiseaux, le vent qui fait bouger les sommets des arbres, l'eau qui ruisselle au loin, c'est proche de la perfection. Les protagonistes continuent de parler tout en marchant, intégrant la narration au coeur même du gameplay et annihilant ainsi toute transition perceptible entre cut scene et phase de jeu.

Les textures sont elles aussi véritablement à la hauteur. On a l'impression d'évoluer dans une végétation en plastique par moments, la "faute" aux effets qui semblent devoir être le prix à payer pour être classés Next Gen, mais les nombreux détails influençant sur notre perso nous font vite oublier cela. Ceux qui ont essayé la démo auront déjà essayé de se jeter dans un point d'eau pour voir ce que ça donnait: Nathan en ressort avec les fringues mouillés. Certes cela avait déjà été pratiqué dans Tomb Raider Anniversary, mais cela va plus loin ici. Là où Lara Croft donnait l'impression d'être recouverte d'huile solaire, les vêtements de Nathan ont non seulement l'air mouillés, mais affichent également des plis différents. Ce sont des détails cons, mais qui favorisent l'immersion.

Fort heureusement, la jungle ne sera pas le seul lieu visité lors de votre périple, même si, île oblige, elle en constitue une (très) grosse partie. Les développeurs montrent également leur talent en milieu souterrain peu de temps après le début de l'histoire, ou dans la reconstitution d'U Boat Nazi. Ce n'est d'ailleurs qu'après ces péripéties que l'on retrouve l'action présentée dans la démo, passage qui ne se situe qu'au début d'une aventure qui comporte vingt deux chapitres.

Puisque le jeu est complet et vous fera traverser aussi bien la végétation profonde que des vestiges de civilisations anciennes ou des forteresses, il semble primordial d'aborder la question du gameplay. Que ceux qui, comme moi, pensaient avoir affaire à un Tomb Raider redescendent directement. J'avoue avoir été déçu les cinquante premières minutes, je préparais même déjà mes premières phrases bien senties sur ce qui serait le début d'une review impitoyable. Pourtant s'est révélé à mes yeux un système de jeu addictif.

Allons-y tout de go: les phases de plateformes sont rudimentaires, tout du moins par rapport à un Tomb Raider. Entendez par là que la dextérité prise de tête de certains passages empruntés par Lara sont un souvenir lointain. S'il y a bien des manoeuvres vertigineuses à la Prince of Persia, l'ensemble reste accessible et relativement facile pour les joueurs ayant un tant soi peu d'expérience. D'ailleurs de ce point de vue on retrouve la savoir faire que l'on connaissait (et reconnaissait) à Naughty Dog pour la plateforme. Le fait que l'accent ait volontairement été mis sur l'action ne veut pas dire que les phases acrobatiques seront chiantes, loin de là et dans le cas présent c'est même l'adage "peu mais bon" (oui je viens de l'inventer) qui convient. Que ceux qui ont toutefois peur de se retrouver devant un soft bourrin se rassurent, les phases d'action ou de cascades sont quasiment de 50/50 et l'aspect aventure, escalade et découverte n'est pas négligée, loin de là.

Uncharted, pour le décrire le plus justement possible, est plutôt comme un mélange de Time Crisis pour la couverture, Gears of War pour la progression et Resident Evil 4 pour la succulence des phases de tir brut. On vise avec L1, ajuste avec le stick droit tout en se déplaçant avec le gauche et on tire avec R1. R2 sert à recharger et le carré à faire parler les poings. Toute l'astuce vient d'ailleurs de là puisque lorsque cela est possible, le corps à corps est à privilégier, question d'économie de munitions et de rapidité aussi.

Bien évidemment ce système vous permet de passer instantanément des poings aux flingues ou aux grenades. Il en résulte une dynamique de jeu qui rend ces séquences encore plus explosives et qui dynamite la monotonie que l'on pouvait redouter.

La touche maîtresse que l'on utilisera durant l'ensemble de notre progression, c'est le rond, c'est elle qui nous permet de nous cacher derrière les rochers, les caisses, les murs ou tout autre élément offrant une couverture. Non seulement c'est l'idéal pour ajuster son tir et agir avec stratégie pour contrer les dizaines d'assaillants, mais en plus c'est un bon moyen de récupérer sa vie puisqu'à l'instar de beaucoup de nouveaux titres, se reposer suffit à se remettre d'aplomb.

Que ceux qui auraient envie de crier à la facilité se rassurent car si cela fonctionne plutôt bien au début, c'est de moins en moins évident au fur et à mesure de notre avancée, une façon comme une autre d'installer une difficulté progressive. Se cacher quand il fait feu de toutes parts relève du challenge, d'abord car l'IA très poussée rend les adversaires inventifs et ceux-ci vous contournent, s'organisent, ensuite parce que les caisses finissent par exploser sous les tirs ennemis. Uncharted est donc un bon cran au dessus de ce qui se fait actuellement côté difficulté. A côté de cela, Naughty Dog compense par une visée au poil, terriblement efficace et précise. Il faut s'adapter c'est certain, mais une fois le coup de main attrapé, on progresse avec confiance et dextérité.

Le parti pris de faire de ce jeu un blockbuster vidéoludique se ressent jusqu'à l'affichage puisque aucune barre de vie n'est visible, tout juste l'arme sélectionnée et son nombre de balles, et celle-ci disparaît après quelques secondes d'inactivité. De même on constate une attention toute particulière portée aux animations. Drake semble peiner lorsqu'il faut escalader de grosses structures, ses coups sont portés avec intensité, il s'essouffle et les ennemis se tortillent dans tous les sens sous l'impact des balles. Ce travail se reflète aussi sur chaque partie du décor, dans la jungle bien sûr mais aussi dans la qualité des effets de lumière lors des phases de crépuscule (ou dans les bâtiments, grottes) ou encore dans l'animation de la flotte.

Uncharted: Drake's Fortune tire sa principale force de ses nombreuses sources d'inspiration, dont quelques unes ont été évoquées en début de review. Cette histoire de carte au trésor parsemée de pirates, mélangée à Indiana Jones avec une touche de Lost qui va bien est réellement prenante, et Naughty Dog a réussi à rendre le tout cohérent. Ainsi, lorsqu'on retrouve un sous-marin en plein milieu de la forêt, à aucun moment on trouve cela hors propos tant c'est amené de fort belle manière. L'exploration de chaque nouveau décor se fait avec émerveillement et la progression dans tout nouvel environnement un régal aussi bien pour les yeux que pour les mains. Toutes ces transitions se font sans aucun temps de chargement, dans la droite lignée de la tradition ND.

La quiétude de certains vestiges fait immédiatement penser à Ico, un hommage sans doute bien involontaire, mais les fans apprécieront. Ces moments d'admiration précèdent souvent une tempête, ce qui fait qu'on en profite deux fois plus, en s'agrippant dans tous les sens avec une caméra qui s'amuse à placer la perspective la plus vertigineuse possible. De ce côté il n'a rien à envier à Prince of Persia. A propos de caméra, il est à noter que celle-ci ne vous laissera pas dans la merde comme dans bon nombre de titres du genre. Outre ses mouvements dynamiques, elle se placera de façon à vous montrer le chemin à suivre afin de ne pas vous laisser en galère lorsque l'environnement se fait trop dense. Si malgré cela vous peinez encore, une pression sur la touche L2 vous donnera un indice qui débloquera la situation.

Certains trouveront ça dirigiste mais encore une fois, le jeu a été pensé pour ne laisser aucun temps mort et de ce côté c'est une réussite. Quelle que soit l'action en cours, celle-ci est boostée à deux cent pour cent et au final on ne s'emmerde pas un seul instant. Un tour de force tant pléthore de jeux voient souvent le rythme baisser de régime en cours de partie. Notons que cette débauche ne fait à aucun moment ramer la PS3, pire encore, on a l'impression qu'elle fait tourner le soft sans forcer, ce qui me fait dire que les développeurs en avaient encore davantage sous le pied avant d'exploiter pleinement le potentiel de la console.

Dans cet univers de brutes, notons, c'est à la mode, l'utilisation de véhicules, aussi bien comme conducteur que comme tireur. Si le jet ski est légèrement sur-utilisé et un peu bordélique à gérer (raah le tir et la conduite simultanée), le passage en jeep est un monument d'adrénaline et de mise en scène. Tout cela apporte une cohérence assez solide et crée un univers propre autour du sympathique Nathan Drake.

Cet anti-héros fait l'objet d'un travail soigné dans les dialogues, qui ne manquent pas de pêche. Que ce soit en Français ou en Anglais, les répliques sont convaincantes et les pointes d'humour chères à Naughty Dog toujours présentes, bien que, jeu "mature" oblige, les protagonistes se lâchent sur les "shit" ou autres mots bien sentis dans la vie de tous les jours, à l'image de Nathan qui rétorque "Oui un gros con" à l'ennemi principal qui lui demande "vous voyez qui je suis je suppose". Il ne manque qu'un "dans ton cul" pour que la partition soit parfaite.

Un peu neuneu au départ, la psychologie du personnage évolue au cours de l'histoire et c'est un Drake prenant de l'assurance, devenant casse-cou et un brin arrogant que l'on retrouve en fin de jeu. Une fin de jeu rappelant d'ailleurs l'un des meilleurs Boss Fight de Metal Gear Solid 2, encore une énième référence si démonstration devait encore être faite.

Comme vu précédemment, Uncharted propose un challenge relevé. L'écran commence généralement à virer au gris, symbole de mort proche, après quatre-cinq balles encaissées alors que certains ennemis dégustent un tiers de chargeur avant de vaciller. Le head shot sera la solution appropriée, même s'il est fort regrettable qu'une fonction zoom n'ait pas été incluse de base (seulement disponible avec le Sniper Dragon vers les trois quarts du jeu), ce qui rendra l'explosion de têtes assez corsée.

De même, le changement d'épaule à l'aide d'une pression sur le stick R3 sera salvateur lorsque après quelques morts débiles, on aura compris qu'on ne peut se permettre d'être imprécis. Pas de visée automatique: pour tuer un pirate on tire sur le pirate et non pas sur l'arbre à côté de lui.

La sixaxis est utilisée un peu plus qu'à l'accoutumée, que ce soit pour le lancement de grenades ou les phases de plateformes, comme pour maintenir l'équilibre par exemple.

L'IA est pour une fois à la hauteur et malgré le fait qu'ils soient Provinciaux, les pirates ne sont pas cons pour autant. Ils s'organisent et vous risquez d'avoir mal aux fesses si vous croyez que rester derrière son même rocher pendant dix minutes suffit à dégager une zone. Quelquefois, vous rechargez puis à peine le temps de cibler à nouveau l'ennemi, vous constatez qu'il n'est plus là mais qu'il est à présent à côté de vous. Hop passage à mains nues, vous remerciez à cet instant les combos appris, vous lattez le malotru avant de repasser au fusil d'assaut pour dégommer le baril d'essence qui va exploser les dix planqués qui vous canardaient derrière une barricade. JOUISSIF

Plus tard dans l'aventure, vous tombez même sur des tireurs d'élite qui utilisent la visée unfrarouge pour vous débusquer. Dans ce cas-là il faut les éviter en faisant des roulades et vite se mettre à couvert sous peine d'être tué en un seul coup. Dans l'absolu cette variante est géniale et nous pousse à nous surpasser car outre ces snipers, des brutes n'hésiteront pas non plus à abuser du lance-roquettes. On se retrouvera donc dans de vrais passages cultes, à l'image du monastère en ruines où le gunfight dans sa salle principale durera une bonne vingtaine de minutes, faisant la part belle à la tactique et à l'action sous stéroïdes. Les situations sont variées et même pour certaines totalement inattendues, même si notre souci de ne pas spoiler le scénario m'empêche de vous parler d'un certain type d'ennemis.

Uncharted est exigeant mais il vous le rend au centuple et est un vrai orgasme pour tout joueur amateur d'action, de gameplay exemplaire et de challenge. Si quelquefois des situations semblent perdues, elles ne sont jamais décourageantes et le jeu fera alors apparaître quelques ennemis faciles à dégommer qui vous donneront les recharges de munitions qui vous manquent tant. De plus, un système d'achievements a été intégré et rapporte des points selon les trésors trouvés, le nombre d'ennemis abattus ou la façon de le faire (head shot, corps à corps, par type d'arme, etc.).

A l'arrivée difficile de ne pas apprécier ce cocktail détonnant secoué et servi avec virtuosité par Naughty Dog. Avec une balance peut-être un peu déséquilibrée entre plateforme et action, avec quelques bugs de collision ou un léger manque d'immensité de l'univers, on pourra toujours relever des défauts. Au jeu de la mauvaise foi on peut même appuyer dessus pour justifier une thèse ou un dégoût, mais ce serait se foutre un flingue sur la tempe tant cela faisait longtemps que nous n'avions plus eu l'occasion de tâter un titre aussi jouissif, et je pèse chaque mot.

Uncharted: Drake's Fortune reprend en améliorant quasiment tout ce qui se fait de meilleur dans le genre. C'est un Resident Evil 4 sans la répétitivité écoeurante, c'est un Tomb Raider sans les déplacements interminables de caisses, c'est un Ico sans les contraintes ou encore un Metal Gear Solid permissif. Malgré ce patchwork réussi, le jeu réussit à dégager une identité propre grâce à sa plastique hallucinante (il faut vraiment voir certains niveaux pour le croire) et son gameplay sans doute déjà vu ailleurs, mais réglé au millimètre et sans temps morts.

Du début jusqu'à la fin on parcourt ces dix heures de jeu avec l'excitation d'un adolescent découvrant le jeu vidéo pour la première fois. Un peu court pour le genre diront certains, mais avec ses costumes, making off (impressionnants au passage) et autres conneries à débloquer, le replay value est assuré, d'autant plus qu'on sait qu'on aura pas de passages à la con à se retaper lors de sa deuxième partie. Et juste pour cela je tiens à remercier Naughty Dog de ne pas avoir succombé à la facilité de doubler la durée de vie pour faire plaisir à ceux qui auront immanquablement envie de le comparer au titre de Capcom, parce qu'on est sans doute passés à côté de quelque chose d'indigeste pour le coup.

Premier soft à véritablement justifier l'existence de la PlayStation 3, UDF impressionne et confirme que ND est un studio avec lequel il faudra compter, un studio qui a été capable de se lancer dans un créneau inondé pour arriver au tirer son épingle du jeu en sublimant le genre.



Le verdict Ashrama: 10/10

Drake's Fortune ne se contente pas d'être beau, il se paie aussi l'audace de passer après Resident Evil 4, renouveau du jeu d'action, et de repenser le mariage avec la plateforme. Avec un gameplay brillant, Naughty Dog nous offre une sorte de best of de l'action-aventure, superbement mis en scène et scénarisé. Loin des productions pour assistés que nous avons eu à déguster ces dernières années, le titre ne prend pas le joueur pour un con ou un handicapé, et le replace au centre du jeu en lui proposant un challenge relevé, récompensé par une satisfaction gratifiante et la visite de lieux dépaysants, montrant le savoir faire des développeurs. L'un des plus beaux titres du marché combiné avec l'une des meilleures prises en main jamais pensée, le tout défilant dans un ballet d'action ne retombant jamais. Et si c'était ça le jeu vidéo?

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