lundi 13 juillet 2009

[Review] Mirror's Edge (PS3)

N.B: Article écrit le 19/11/2008

Si on m'avait dit il y a quelques années, voire quelques mois, que je verrais un jeu ayant la gueule de Mirror's Edge estampillé Electronic Arts, je crois que j'aurais violemment défoncé la gueule de mon interlocuteur. Si l'on ne peut pas vraiment parler d'ovni vidéoludique, le jeu de Dice interpelle pourtant de par son mélange inhabituel, à savoir une vue FPS mêlée à des mécanismes à la Tomb Raider.

Je sais, le raccourci est facile voire même provocateur, mais après tout comment aborder la critique d'un FPA alors que le genre lui-même est si peu conventionnel? FPA pour First Person Adventure, terme inventé par la presse pour classer Metroid Prime et éviter ainsi de dire que c'était un mauvais FPS mêlé à un formidable jeu d'aventure.

Si le titre de Retro Studios faisait pourtant bien la part belle au tir (et donc Shooter), le dernier-né d'Electronic Arts laissera sur leur faim les amateurs de frénésie par balles. Dès lors, comment décrire Mirror's Edge? Pas facile car il ne ressemble à aucun autre jeu. Si j'ai mentionné Tomb Raider, c'est avant tout pour les acrobaties et une certaine gestion de la perspective. Mais je pourrais ajouter Prince of Persia et d'une certaine façon Assassin's Creed pour ce qui est du sentiment de liberté. Les comparaisons s'arrêtent toutefois ici puisque le gameplay de Mirror's Edge est différent à bien des égards.

On pourrait presque parler de casualisation s'il n'y avait pas un concept et une immersion en béton armé derrière. Pour faire simple, la touche L1 sert aux mouvements "hauts" tels que les sauts alors que L2 sert aux mouvements "bas" telles que les glissades. La touche rond permet de centrer la caméra sur l'objectif, un peu à la façon d'un Shadow of the Colossus tandis que la touche R2 permettra d'enfoncer les portes ou d'effectuer d'autres actions avancées, en combinaison avec les autres boutons.

D'autres "subtilités" seront à prendre en compte, comme le désarmement ou l'utilisation du carré pour ralentir le temps afin de mieux analyser la situation (et de vous échapper le cas échéant). Afin de recharger ce capital de "freeze", il vous faudra courir et encore courir.

Car c'est bien là que le concept entier prend sa source: courir. Vous êtes Faith, une sorte de Yamakasi mais en plus classe et sans l'imagerie de merde que Besson a apporté à cette discipline. Il faudra utiliser votre environnement afin d'accomplir les missions du jeu qui se résumeront bien souvent à fuir il faut le dire. Car c'est là qu'est tout le parti pris de Mirror's Edge: être un jeu pseudo écologiste voir même pacifiste. Inutile d'espérer dégommer les poursuivants avec des scies circulaires ou des fusils à pompe puisque c'est toujours la fuite qui est privilégiée.

Enfin presque toujours car si dans les faits il est possible de désarmer les flics, la manip est tellement risquée pour le bénéfice apporté que l'on préférera quasiment toujours ralentir le temps pour mieux s'enfuir. Lorsque les agresseurs seront moins nombreux, il nous arrivera en revanche de faire joujou avec des neuf millimètres, toujours avec une certaine grâce dans le mouvement.

C'est ici le gros point fort de Mirror's Edge: l'immersion. Dès le superbe générique (avec les crédits placés façon Panic Room), nous sommes happés par cette ville de blanc immaculé. On entend la circulation en contrebas, on devine la vie, on voit quelques oiseaux s'envoler, c'est proprement génial. Si l'on peut regretter ce côté presque chirurgical (les nuages ne bougent pas et le ciel d'une manière générale n'est qu'un placage de textures), on comprend qu'il s'agit peut-être là d'un choix délibéré afin de maintenir une certaine fluidité dans le jeu.

Pourtant, n'allez pas croire que les environnements ne sont pas soignés car il s'agit ici aussi d'un grand point fort! Des panneaux solaires jusqu'aux escaliers, le travail graphique a été soigné. La bande sonore a également profité de cette minutie puisque les bruits du quotidien sont plutôt bien retranscris. Lorsqu'on est sur les toits, on entend les coups de klaxon, le souffle des climatiseurs et le bruit des grues. D'une manière générale, la musique est plutôt absente du jeu, pour laisser l'entière place aux bruitages. On ne se plaindra toutefois pas, tant le thème principal, Still Alive, colle parfaitement à l'ambiance.



Vous aurez reconnu Luc Besson dans l'hélicoptère



Si le jeu nous laisse plus ou moins libres de choisir entre quelques chemins alternatifs pour réaliser sa mission, le soft est tout de même assez bien scripté, et l'aide de la touche rond permet de ne pas tourner en rond des heures durant, ce qui rend la progression très fluide. Trop fluide diront certains tant le jeu se finit "rapidement" (pas plus rapidement qu'un Mario ou qu'un Metal Slug). Pour ceux-là, il restera toujours le mode parcours et ses classements en ligne. N'étant pas un passionné du score et du concours de bite en ligne, je ne m'y suis pas trop intéressé, le replay value passant plutôt par le fait de refaire le jeu pour moi.

Car si Mirror's Edge se finit si vite, c'est bien pour une raison: il nous scotche! On prend le pad, timidement au début, puis et fur et à mesure que l'on maîtrise Faith, on se sent pousser des ailes. Les premières fois, on se mange un tuyau, on rate un saut, on passe à côté d'un escalier,... Notre progression est hachée. Puis on se met à découvrir par où passer, on appuie sur les touches intuitivement et là quel pied lorsqu'on se rend compte qu'on ne lâche plus l'accélérateur, que l'on court comme si rien ne pouvait nous en empêcher. Nous sommes libres et à ce moment-là notre imaginaire nous a transporté ailleurs.

Une bonne partie du titre se déroule en extérieur, pour notre plus grand bonheur, mais il ne faut pas négliger non plus les environnements clos, comme les intérieurs de bureaux, les cages d'escaliers, cheminées, etc.



Un artwork qui retranscrit assez bien la sensation de liberté qui émane du jeu


Mirror's Edge va diviser, c'est certain. Comme à l'époque de Shadow of the Colossus, beaucoup ne vont y voir qu'un jeu d'aventure somme toute assez vide et répétitif dans le principe, alors que les autres vont y voir une ode à l'évasion ainsi qu'un certain lyrisme.

Car sous sa belle gueule, les mécanismes semblent old school malgré une gestion parfaite et permissive des check points. Comme dans les FPS modernes, on ne recommence jamais bien loin de l'endroit où l'on est mort (il s'agit souvent d'un saut raté ou de quelques balles dans le buffet ici).

Et les morts seront nombreuses car à nous sommes frêles, à l'image de Faith. Ici on ne se relève pas si l'on chute de dix étages. Un saut raté et c'est le game over. Heureusement les temps de chargement sont insignifiants (j'adore cette nouvelle tendance de ne plus pénaliser la mort par dix minutes de loadings) et cela n'entachera jamais vraiment la progression, sauf lors de quelques passages coton, principalement des gunfights.

Inutile toutefois de s'affoler, nous sommes loin d'un Ninja Gaiden, et à des années-lumière d'un MegaMan niveau frustration. La seule frustration vient du fait qu'une fois qu'on éteint sa console, on réalise à quel point ce genre de bijou est rare.

Complètement décalé et à contre-courant de ce qui se fait dans le milieu du jeu video, Mirror's Edge est une véritable bouffée d'oxygène et une réussite qui n'était pas acquise sur le papier. Car la vue FPS il faut la digérer. D'abord parce qu'il y a les non-initiés voire même les réfractaires, mais ensuite parce que ce type de vue donne vite la gerbe chez certains.

Oui c'est le moment poésie de la review, c'est d'ailleurs pour cela qu'on a une espèce de réticule blanche durant toute l'aventure. Elle n'est pas là pour faire office de viseur, mais pour éviter de donner le mal de mer, du moins c'est ce que disent les développeurs.



Les tireurs isolés seront les rares que l'on aura envie de désarmer



Car les animations sont vachement plus poussées que dans n'importe quel FPS: on voit les bras de Faith s'agiter, on voit ses jambes, on entend son souffle, on voit même ses animations lors des sauts via un déplacement de caméra.

Emballé du début à la fin, je n'aurai finalement qu'un regret: que le monde dans lequel nous évoluons ne soit pas plus ouvert. C'est à vrai dire le premier jeu Next-Gen qui me fait prendre conscience des limites de cette génération de consoles. Ca ne m'était pas arrivé avec des jeux bien plus beaux et pourtant ici je comprend que la puissance de nos consoles n'est peut-être pas encore assez suffisante pour permettre une immersion parfaite dans un monde créé de toutes pièces.

Lorsqu'on a un monde ouvert, à la GTA, on est bloqués par les limites interactives et par les bugs techniques, et lorsqu'on a un concept fort, on se voit bloqué par les limites hardware qui empêchent une interaction totale et forcent les scripts.

Je ne boude toutefois pas mon plaisir, un plaisir incommensurable pour un titre qui est sans doute mon jeu de l'année, ni plus ni moins.


Le verdict Ashrama: 9/10

Qu'Electronic Arts ait réussi à me transporter dans un jeu appelant au rêve et à la poésie, ça me troue le cul. Peut-être est-ce finalement le bug du millénaire, qui arrive avec presque neuf ans de retard. Quoiqu'il en soit, le géant américain peut se targuer d'avoir accouché d'une pépite, véritable chef d'oeuvre mêlant sensations de liberté et mécanismes à l'ancienne. Mirror's Edge fait partie de ces titres qui réussissent à nous faire oublier que l'on est dans un jeu vidéo, et nous réveillent quelques heures après, nous reconnectant au monde réel avec à la bouche: "waouw, il s'est passé quoi là?". Un sentiment de trop peu sera fort légitime, qui plus est vu la pauvreté du scénario, mais il réussit à s'arrêter à temps pour qu'on ne s'aperçoive pas que certains mécanismes sont répétitifs.

C'est une license bien à part qui vient d'être créée, et comme toutes les pépites, elle ne trouvera que peu d'acquéreurs, chronique d'un plantage assuré. Après tout, le bon goût ça se cultive.

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